Onglets

lundi 18 mars 2019

Better now than 10 years ago




Du temps où j'étais encore sur HelloCoton, parfois, je voyais passer un billet d'une vingtenaire ou d'une tout juste trentenaire qui s'extasiait sur le thème: "Vieillir, c'est merveilleux". Je mourais toujours d'envie de répondre: "Non, bichette. Ce que tu trouves merveilleux, c'est d'être une adulte  avec la liberté de faire ce que tu veux et l'argent nécessaire, plus d'acné, un style vestimentaire enfin potable et la confiance en toi dont tu manquais ado. Mais vieillir, ce n'est pas ça. Vieillir, c'est enterrer les gens qu'on aime les uns après les autres, ne plus se reconnaître dans la glace, être de moins en moins mobile, avoir la mémoire qui flanche et des perspectives de plus en plus limitées. Je doute fort que tu tiennes le même discours dans quelques décennies." (Mais je me taisais parce que l'expérience n'est pas une maladie transmissible et que personne ne m'avait demandé mon avis.)

Je suis la première à dire que ma vie et moi étions bien mieux à 30 ans qu'à 20, et même à 40 qu'à 30. Depuis, en revanche, il est indéniable qu'une descente s'est amorcée dans beaucoup de domaines. Comme par ailleurs, le monde devient de plus en plus dingue, l'actualité de plus en plus préoccupante et l'avenir de ma profession de plus en plus incertain, la tentation est grande de céder au défaitisme et de voir tout en noir. J'ai déjà dressé la liste de tout ce que j'avais perdu au cours de la dernière décennie. Mais comme je suis en pleine période rose en ce moment, j'ai eu envie de faire la liste inverse - et j'ai été surprise d'avoir quand même pas mal de choses à y noter. 

En 2019, ma relation de couple va mieux qu'en 2009. Elle n'est toujours pas parfaite, loin de là, mais Chouchou et moi avons beaucoup investi dans cette histoire, et nous en récoltons les dividendes. Chacun de nous a vu le pire de l'autre et n'a pas pris ses jambes à son cou. Nous nous connaissons mieux; nous savons davantage gérer nos attentes mutuelles et nos défauts respectifs. Toutes les belles choses mais aussi tous les drames traversés ensemble ont renforcé notre lien. Bref, j'ai beaucoup plus confiance en notre avenir commun aujourd'hui qu'il y a dix ans. 

En 2019, j'ai fini de rembourser mon crédit immobilier, ce qui veut dire que j'ai besoin de gagner nettement moins pour couvrir mes frais incompressibles. A l'heure où le travail se tarit, ce n'est pas négligeable du tout. Par ailleurs, j'ai eu l'excellente idée de basculer du régime BNC, plus favorable fiscalement mais avec décalage d'un an à un an et demi du paiement des charges sociales, vers le régiment des Traitements et Salaires qui entraîne un prélèvement à la source des charges en question: du coup, si je me retrouve la prochaine fois que je me retrouverai au chômage technique, je n'aurai pas d'Agessa à régler, ce qui me fera un gros souci en moins. Bref, ma situation financière s'est simplifiée et consolidée par rapport à il y a dix ans. 

En 2019, je "tourne" toujours sur un très petit nombre de clients réguliers, mais ceux pour lesquels je bosse désormais me proposent des textes plus intéressants et mieux payés du feuillet - du coup, même en travaillant moins, je m'en sors à peu près, et je prends davantage de plaisir à mon boulot. J'ai aussi un réseau plus important sur lequel compter en cas de besoin. Bref, par rapport à il y a dix ans, ma situation professionnelle a périclité par certains côtés mais s'est renforcée par d'autres. 

En 2019, j'ai fait d'énormes progrès en matière de consommation. Je n'achète plus que peu de fringues, de cosmétiques et de fournitures de loisirs créatifs; j'ai dématérialisé une grande partie de ma bibliothèque et pris l'habitude de voyager hyper léger, ce qui supprime presque totalement la tentation du shopping à l'étranger. Désormais, hors frais incompressibles, j'investis presque tous mes sous dans des e-books, des sorties ou des voyages. Bref, même si j'ai moins d'argent qu'il y a dix ans, je le dépense beaucoup, beaucoup mieux, et j'en retire plus de satisfaction.

En 2019, mon hypocondrie s'est pas mal calmée, et j'apprécie beaucoup de ne plus avoir l'impression d'être en train de crever d'un truc ou l'autre 365 jours par an. Je ne serai jamais quelqu'un de serein, mais j'ai acquis des techniques qui me permettent le plus souvent d'étouffer mes attaques de panique dans l'oeuf. Et puis je compartimente mieux, en laissant mon éventuelle anxiété tourner en tâche de fond sans déborder sur tout le reste. Bref, j'ai toujours des angoisses, mais je les gère mieux qu'il y a dix ans. 

En 2019, grâce à 5 mois de séances de yoga quasi-quotidiennes, j'ai retrouvé et sans doute même dépassé ma souplesse de 2009. Et ce n'est que le début. Je ne peux pas lutter contre tous les ravages du temps, mais je peux faire beaucoup plus que ce que j'imaginais il y a dix ans. Et je place de grands espoirs en le yoga pour gérer la ménopause dont les prémisses viennent juste de pointer le bout de leur museau. Bref, je ne suis toujours pas une grande sportive, mais je bouge plus et mieux qu'il y a dix ans. 

En 2019, il y a deux fois plus de bus et de TER qui desservent Monpatelin, et je peux désormais effectuer presque toutes mes formalités administratives sur internet en quelques clics. Bref, je ne suis pas toujours fan de la manière dont les choses évoluent, mais je kiffe quand même certains progrès!

En 2019, je me dis que pendant la décennie qui vient de s'écouler, j'ai traduit un peu plus de 80 romans et visité 15 pays où je n'avais jamais mis les pieds auparavant - il y en aura au moins un 16ème et peut-être un 17ème avant fin décembre. J'ai eu des chagrins comme tout le monde, mais j'ai mené une vie que j'ai choisi et qui me correspond profondément. Si je devais mourir maintenant, j'aurais dix belles années de plus au compteur, dix années à ne pas regretter. Bref, je suis plus près de la fin du chemin qu'il y a dix ans, et curieusement, ça m'ôte une certaine pression qui m'étouffait presque à l'époque. 

1 commentaire:

  1. J'ai peur d'être très lucide sur ce qu'implique le fait de prendre de l'âge et j'avoue que j'apprécie du coup les articles optimistes sur le fait de vieillir (j'ai 25 ans hein seulement) ! L'âgisme rampant n'aide pas, on a beau essayer de déconstruire nos représentations, on nous pousse quand-même à admirer la jeunesse, l'énergie, les peau lisses etc (quand-bien même ça ne représente déjà pas toutes les jeunes personnes)
    Je trouve que c'est un bel exercice auquel tu te livres !

    RépondreSupprimer