Onglets

jeudi 17 janvier 2019

Et petit à petit, apprendre à aimer l'hiver





J'ai longtemps détesté l'hiver. Sans aller jusqu'à souffrir de dépression saisonnière, j'avais beaucoup de mal à garder le moral pendant ces quelques mois où je souffrais du froid et du manque de lumière, où je peinais à me lever le matin et avais envie de me coucher avec le soleil en milieu d'après-midi. Je  me plaignais en boucle et vivais les yeux rivés au calendrier, attendant le retour du printemps. Puis vers la quarantaine, comme je sentais le cours du temps accélérer et ma biologie interne ralentir, j'ai eu une sorte de déclic. J'ai commencé à percevoir la beauté de toutes les saisons, à éprouver la nécessité de leur succession, à accompagner ce cycle au lieu de me rebeller vainement contre lui. J'ai collectionné les petits plaisirs spécifiques de l'hiver et développé des stratégies pour pallier ses difficultés. 

J'ai accepté d'avoir besoin de dormir neuf heures par nuit, et bientôt considéré le moment où je me glissais sous la couette chaque soir comme le meilleur de la journée. Je me suis donné la permission de m'adonner à mes tendances les plus antisociales pour cocooner à mort. J'ai oublié l'idée même de régime et sacrifié sur l'autel du dieu Raclette. J'ai profité de cette période de repli sur soi, ce ralentissement propice à l'introspection pour laisser mûrir mes idées et donner forme à mes projets. J'ai appris à goûter la beauté austère des arbres nus, la grâce d'un soleil pâle au milieu du ciel gris, la douceur de sa lumière dans l'air transparent. J'ai espéré le manteau feutré de la neige, guetté les occasions de promenades sur des plages désertées par les touristes. J'ai adapté ma garde-robe en faisant fi de la joliesse pour lui préférer le confort. Je me suis mise à rêver devant les photos d'Instagrameuses scandinaves. Je me suis engouffrée dans la tendance hygge venue du Danemark. 

Et depuis quelques années, réchauffement climatique oblige, ce sont les étés que je redoute le plus. La canicule désormais presque systématique me flanque des migraines horribles, m'empêche de dormir la nuit, me dissuade de sortir en début d'après-midi, me limite au fond bien davantage que le froid contre lequel il y a toujours moyen de s'emmitoufler. Quand le soleil se lève à 4h du matin et se couche après 22h, j'ai perpétuellement l'impression de ne pas en faire assez. Je ressens une pression désagréable à profiter du beau temps et des longues journées, à sortir même si je n'en ai pas réellement envie - une culpabilité probablement formée dans l'enfance, lorsque mes parents me jetaient dehors en rouspétant que je n'allais pas passer mes grandes vacances enfermée à lire (spoiler: sans eux, c'est exactement ce que j'aurais fait). L'été, c'est bien pour les papillons sociaux. Moi, je joue plutôt dans la catégorie chauve-souris solitaire. Et je me sens de mieux en mieux l'hiver. 


Mon cultivateur de bonnes habitudes

6 commentaires:

  1. J'aime toutes les saisons (avec une préférence pour le printemps et l'automne, heureusement que je vis dans un pays tempéré).Je détesterais vivre dans une contrée sans vrai hiver ou vrai été.
    Effectivement,je crains un peu la canicule et les fringues d'été sont celles que j'apprécie le moins, mais c'est aussi la saison des voyages avec les amis...

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour,
    Je n'ai jamais aimé l'hiver alors que physiquement je supporte mal la chaleur.
    Je suis d'accord avec toi sur le fait que l'idéal c'est de trouver comment s'adapter.
    Cela fait des années que je rêve de photographier des montagnes en hiver mais je recule devant tout un paquet de fausses et mauvaises raisons.
    Il faut que je pense davantage, raclette...

    RépondreSupprimer
  3. Ah cette pression et cette culpabilité de "ne pas profiter" quand il fait beau !
    Avec le temps, j'arrive de mieux en mieux à les faire taire, mais jamais totalement non plus.
    Je n'aime pas trop les extrêmes (très froid, très chaud), mais personnellement je préfère quand-même l'été ^^

    RépondreSupprimer
  4. Malgré le froid/la luminosité qui baisse/le temps qui est souvent mauvais, j'ai toujours trouvé des avantages à l'automne - à peu près ceux que tu décris pour l'hiver. Le coté où tranquillement le corps ralenti, comme pour se mettre au diapason de la nature. En revanche, l'hiver, malgré les jours qui rallongent, m'a toujours foutu le cafard: les arbres nus, le mauvais temps, la grisaille, la luminosité détestable... Et je me mets à guetter les signes printaniers :) (pourtant je suis une fille du froid plutôt que de la chaleur)
    En revanche, je suis d'accord avec toi sur l'été, et je trouve ta description "L'été, c'est bien pour les papillons sociaux. Moi, je joue plutôt dans la catégorie chauve-souris solitaire." très jolie et vraie.

    RépondreSupprimer
  5. Moi je suis toute l'année une chauve-souris solitaire et justement, l'été m'aide à sortir un tout petit peu plus et ça me fait du bien ;-)
    Mais en fait, c'est l'été qu'on voit les chauve-souris !

    A part ça, là, il gèle, et je souffre. J'ai l'impression d'être gelée jusqu'aux os sans arriver à me réchauffer vraiment.

    RépondreSupprimer
  6. @Sunalee: Si on ne voit pas les chauve-souris l'hiver, c'est parce qu'elles sont au chaud chez elles avec un plaid, une tasse de thé et un bon bouquin! CQFD :-D

    RépondreSupprimer