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mercredi 7 novembre 2018

Ces choses que je ne m'autorise pas





Je ne m'autorise pas à trop me soucier de mon apparence - à me laisser abattre par l'expansion de mon tour de taille, la dégringolade de mes chairs ou le blanchissement de mes cheveux. On en est tous plus ou moins là aux abords de la cinquantaine; se prendre la tête pour un phénomène aussi inéluctable est une souffrance inutile. Mieux vaut accepter que je vieillis, comme tout le monde, et qu'il y a des préoccupations autrement plus importantes. 

Je ne m'autorise pas le maigre réconfort de penser que l'endroit où je vis sera un des derniers et des moins sévèrement impactés par le réchauffement climatique. C'est l'argument des connards privilégiés qui peuvent se permettre de s'en foutre et de continuer à saloper allègrement la planète; je ne veux rien avoir de commun avec ces gens-là. Je ne m'autorise pas non plus à me dire que je n'ai pas d'enfants et qu'après moi le déluge, parce qu'il se trouve que beaucoup de mes proches se sont reproduits, eux, et que je me suis bêtement attachée à leur descendance. Foutu sentimentalisme.

Je ne m'autorise pas à croire que mon blog peut constituer une forme de transmission et/ou avoir une quelconque influence positive: ce serait prétentieux de ma part et mon ego hypertrophié n'a pas besoin de ça, merci. Pour la même raison, je ne m'autorise pas à considérer que je fais un travail utile. Les médecins, les profs, les maçons et les agriculteurs font un travail utile. Rendre de la littérature de divertissement accessible aux non-anglophones, c'est évidemment mieux que bosser au service marketing de Monsanto, mais ça n'arrive pas très haut dans la liste des priorités d'une société.

Je ne m'autorise pas à demander de l'aide, sauf pour des choses très concrètes que je n'ai pas honte d'être incapable de faire seule: informatique, bricolage ou transport d'objets lourds. Malgré l'angoisse dans laquelle me plonge mon chômage technique actuel, je dois me faire violence pour envoyer des mails aux éditeurs que je connais et leur demander s'ils n'auraient pas une traduction pour moi. Ca me donne l'impression de mendier et je déteste ça. 

Illustration: Sung-Choul Ham

5 commentaires:

  1. Mais si, les traducteurs anglais-français sont utiles ! Même si je lis aujourd'hui en VO, je n'aurais pas autant apprécié la SF/F si j'avais dû attendre d'avoir un niveau suffisant pour les lire en anglais. Et perso, la littérature "de genre" a fini par me faire aimer (adorer) les livres en général.

    À propos de "mendier du boulot": pour chaque mail que tu n'envoies pas à un éditeur, c'est peut-être un(e) collègue moins efficace et fiable que toi qui va récupérer le contrat. Et même s'ils n'ont pas de boulot là maintenant, au moins ça leur rappelle que tu existes. Ce n'est pas de la mendicité, c'est du démarchage commercial, il n'y a pas de honte à avoir ^^

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  2. Je pense que ton job est essentiel à défaut d’être utile à la survie de la communauté. Et la catégorie « essentiel » est pour moi parallèle à la catégorie « utile ». Ne nous laissons pas avoir par l’obligation capitaliste de choisir entre les deux 😊
    Comme toi, je ne m’autorise pas à demander de l’aide. A moins d’avoir épuisé toutes les possibilités à ma disposition, même les plus ridiculement vouées à l’echec. Ce qui me laisse moi-même épuisée et toujours sans solution au bout du compte, pas les meilleures disposition pour demander de l’aide quand ça représente déjà un effort ;) Ou alors je trouve une solution qui certes me permet de m’en sortir seule mais à un coût (financier, perso, ...) tellement élevé que peut-être il aurait été légitime de demander de l’aide si ça ne mettait pas si mal à l’aise. Comme si je devais prouver que j’avais vraiment vraiment essayé pour qu’on ne me reproche rien et surtout pas d’abuser.
    Les épreuves des derniers mois font que j,ai reçu de l’aide malgré moi, tout s’est organisé sans que j’aie à le demander, en mon absence. Je ne m’en suis toujours pas remise. Je suis reconnaissante mais tellement mal à l’aise.

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  3. demander de l'aide peut s'avérer (très) gratifiant pour celui ou celle à qui l'on demande cette aide

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  4. @Anonyme: Ca peut aussi l'emmerder sans qu'il ose le dire...

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  5. Ce n'est pas de la mendicité, c'est être débrouillarde. Le boulot ne vient pas vers nous. De plus en plus il faut se battre pour avoir une place dans cette société.Et en relançant les entreprises vous vous battez tout simplement !

    Lylou

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