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mercredi 17 octobre 2018

La punition





En octobre 2012, mon père était très malade. Mais parce que je voulais passer notre anniversaire de couple avec Chouchou, le mardi 16, au lieu de faire un crochet par Toulouse comme prévu, je suis remontée directement de Monpatelin à Bruxelles. Ma mère n'ayant prévenu personne (ce dont je m'étonnerai éternellement, étant donnés son incapacité à garder un secret et son besoin de discuter de tout avec tout le monde), j'ignorais que mon père était sous respirateur depuis la veille.

Il est mort dans son canapé pendant la soirée du mercredi. Le jeudi, j'étais dans un train pour Toulouse. Le vendredi, jour de notre anniversaire de couple, Chouchou m'a rejointe pour les funérailles qui devaient avoir lieu le lendemain.

Depuis, nous n'avons plus jamais passé un 19 octobre ensemble. J'ai toujours une bonne raison d'être à Monpatelin à cette période. Et je soupçonne que même si je n'en avais pas, je m'en inventerais une. 

Un jour, peut-être, je cesserai de me punir de n'avoir pas été là pour les dernières heures de mon père.

Mais pas cette année. 

8 commentaires:

  1. Est-ce que votre mère n'aime pas aussi jouer les martyrs genre ohlala il était sous respirateur et yavait que moi pour m'occuper de lui)? Ou alors elle aime tout raconter mais surtout pas ce qui vous intéresse comme ça, ça la rend ELLE intéressante. Pardon je suis sûrement très méchante mais c'est l'exemplaire que j'ai à la maison.

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  2. Ma mère m'a caché pendant six mois le cancer de mon père, à cause des préparatifs de mon mariage, qu'ils ne voulaient pas gâcher.
    Il s'est fait opérer 2 jours après mon mariage, je ne l'ai su qu'en appelant ma mère sur son portable pour tout autre chose. J'étais folle de rage, triste, en colère, fumasse, je me sentais exclue, infantilisée... et j'étais, comme toi, ébahie que ma mère, si avide de mélodrames et aimant tant se faire plaindre, l'ait caché à tant de monde...
    Depuis, à chaque anniversaire de mariage, je me rappelle qu'à 2 jours près, c'est aussi le compte à rebours pour la possible rémission de mon père, et c'est un tic-tac qui me stresse beaucoup...
    Et maintenant, je me méfie de ce que peut me cacher ma mère... Je me souviens encore qu'ils faisaient semblant de ne pas savoir ce qu'était une scintigraphie osseuse (je venais d'en passer une pour mon handicap), je le leur expliquais, ils jouaient les candides, alors que mon père en avait passé également une deux jours avant... Ou que je m'étonnais que mon père ait tant maigri et si vite, et il me répondait qu'il voulait être beau dans son costume de père de la mariée, alors que c'est le chirurgien qui lui avait dit de maigrir pour l'opération...
    Je les ai copieusement engueulés, car, même s'ils voulaient me protéger et ne pas gâcher les préparatifs du mariage (fausse excuse : ni mon frère ni ma sœur ne le savaient non plus, et eux aussi ont très mal réagi après coup), je leur ai dit :
    - qu'on venait de perdre un grand-oncle très proche et adoré et important.
    - que je venais de me bousiller le bras...
    ... donc que niveau gouffre abyssal émotionnel pré-mariage, j'étais déjà servie et que je n'étais plus à une catastrophe près. J'étais plus forte que ça : ils m'avaient sous-estimée.
    Ensuite, j'étais atterrée de me dire que mon père n'avait eu que ma mère comme soutien moral depuis son diagnostic, et ça, c'est affreux.
    Enfin, un jour, on devra subir, gérer, surmonter des nouvelles encore pires : comment s'y préparer sans en passer par cette étape, un peu moins horrible ?
    Je leur ai fait jurer sur notre tête à tous les trois (et ils flippent et y croient, c'est le seul truc qui marche) de ne plus JAMAIS nous cacher ce type de problème : maladie, opération, risque de mort, et j'en passe. Ils ont été obligés de jurer tellement j'étais furieuse. Et j'ai dû consoler mon frère et ma sœur, en tant qu'aînée. Et je me suis occupée de mon père pendant son arrêt, quand ma mère bossait, pour lui montrer que je pouvais assurer et que me cacher des choses était une TRÈS mauvaise idée.
    Quand ma tumeur a été diagnostiquée, je lui ai dit : "tu vois, moi, je ne te le cache pas. Je crois que tu es assez fort pour supporter cette nouvelle et garder l'espoir que je guérisse. Je crois que tu en es capable."
    Je te comprends tellement que j'ai une boule dans la gorge. Je te serre très très fort contre mon cœur.

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  3. Je me suis sans doute mal exprimée, mais pour le coup je ne reproche rien à ma mère. Il est fort possible que ce soit mon père lui-même qui lui ait demandé de ne pas nous prévenir, ou qu'elle ait voulu croire que ce ne serait que passager et qu'elle n'ait pas voulu nous affoler.

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  4. Ne pas savoir ce n'est pas ne pas vouloir.

    Il n'y a pas de faute. Je sais bien que tu le sais d'ailleurs.

    Tu as commencé à regarder des possibilités de voyage pour l'an prochain aux alentours du 19/10 ?

    Bon, disons le 25/10 dans un premier temps.

    Pourquoi pas ? Ca ne coûte rien.

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  5. Enceinte de 6 mois 1/2, avec beaucoup de contractions, je n'étais pas là la nuit fatidique. Lors de notre dernière visite, l'équipe médicale nous avait avertis : il y en avait pour quelques jours ou quelques semaines. Une "amie de mes parents" (titre qu'elle a bien démenti par la suite) a cherché à me culpabiliser : il fallait que j'y aille, là, tout de suite, pour être près d'elle aux derniers moments. Aurait-il fallu que je mette la santé de mon futur bébé en danger, aurais-je dû prendre tous mes congés par anticipation (pour ne plus en avoir l'année suivante) ? J'ai beaucoup pleuré, j'en ai beaucoup voulu à cette personne d'en rajouter à mes regrets. Mais j'ai été là ensuite pour épauler mon père pendant ses premiers jours seuls, l'aider à ranger la maison, enlever des armoires les vêtements qui marquaient trop l'absence. Je crois que c'était ce que je devais faire, ma présence plus tôt n'aurait rien changé, je n'aurais pas pu la retenir, elle qui voulait tellement tenir quelques semaines de plus pour voir son petit fils… c'est dur d'être loin, mais c'est le prix à payer pour devenir adulte parfois !

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  6. Et je pars du principe que mon père avait parfaitement le droit de ne pas nous tenir au courant, que ce soit pour nous ménager, par pudeur, par déni ou je ne sais quoi d'autre. La maladie l'avait déjà privé de tant de choses; c'était un peu le seul choix et la seule liberté qui lui restaient, et son envie de se taire passait très clairement avant mon envie de savoir.
    Quant à ma mère, Dieu sait que je suis rarement d'accord avec elle, mais elle s'est occupée de mon père avec tellement d'abnégation, y compris quand la douleur le rendait totalement insupportable, que je me verrais mal lui reprocher quoi que ce soit. Elle a fait ce qu'elle a pu et ce qu'elle a estimé le mieux dans des circonstances horribles. Ce que j'exprimais était vraiment de l'étonnement et rien de plus: à sa place, je crois que j'aurais aimé ne pas porter ça toute seule, c'est tout.

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  7. Tes mots résonnent de manière assez étrange en moi. Bien évidemment, mon histoire est différente mais moi aussi, d'une certaine manière, je m'en veux. J'avais décidé de ne pas aller fêter Noël chez mes parents en 2016 pour être dans ma belle-famille (pas évident d'être à deux endroits en même temps, donc on alterne de façon plus ou moins équitable). Je m'étais dit qu'on irait sans doute en février 2017. Le 1er janvier 2017, mon père ne se sentait pas bien, il est parti à l'hôpital avec les pompiers et n'en est jamais revenu. Je n'oublierai jamais les derniers mots qu'il m'a dit au téléphone ce jour là "On se parlera quand j'irai mieux". Depuis, je me reproche de ne pas avoir passé du temps à Noël en 2016 avec lui. Et j'appréhende différemment l'approche des fêtes de fin d'année.

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