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jeudi 29 décembre 2011

Sur le bonheur


Il y a quelques jours, Miss Sunalee publiait un billet dans lequel elle disait se sentir seule, vide et avoir du mal à être heureuse. J'ai voulu lui répondre quelque chose d'utile ou d'encourageant, et je me suis rendu compte que je n'y arrivais pas parce que les sentiments dont elle parle me sont inconnus. Ou plus exactement, parce que je les ai laissés derrière moi depuis longtemps. La dernière fois que je me suis sentie seule, c'était à Noël 1993; la dernière fois que me suis sentie vide... je ne m'en souviens même pas.

Je sais, par contre, que ça a cessé à partir du moment où j'ai renoncé à chercher un sens à ma vie, ou à la vie en général. A force de questionnements, j'ai acquis la conviction profonde que nous sommes là suite à un concours de circonstances biologiques, point. Et que nous n'avons pas à justifier notre existence (mais cela ne vaut sans doute que pour les athées comme moi). Nous naissons sans l'avoir demandé, nous mourons généralement sans l'avoir choisi et allons nourrir les vers - mais l'intervalle entre les deux nous appartient, et c'est à nous de décider comment le remplir.

Pour le rendre signifiant, certains feront des enfants afin de leur transmettre des valeurs et de perpétuer une lignée familiale. D'autres opteront pour cette forme d'immortalité que confère la création artistique. D'autres encore se mettront au service d'autrui pour pouvoir dire "Ma vie a fait une différence". Moi? Rien de tout ça ne m'intéresse. Je m'efforce de ne pas avoir d'impact négatif sur ce et ceux qui m'entourent. Quand j'ai une occasion de rendre mon petit monde un peu meilleur, par exemple en aidant quelqu'un, je la saisis et ça m'apporte toujours beaucoup de satisfaction. Mais je ne me sens pas obligée de le faire pour justifier mon existence ici-bas ou lui donner un sens. C'est un choix en accord avec mes convictions personnelles, point.

En vérité, le seul objectif que je me suis fixé dans la vie, c'est d'être heureuse. Après pas mal de tâtonnements et de ratés plus ou moins spectaculaires, j'ai fini par trouver ma voie, qui est celle de la pleine conscience et de la gratitude. Je puise mon bonheur dans les petites choses du quotidien, dans le fait de les savourer pleinement et de me rendre compte de la chance que j'ai de pouvoir les goûter. Je sais que ça peut sembler cucul comme tout, mais jamais je ne m'endors sans cette pensée reconnaissante: "Je suis couchée dans un lit douillet, bien au chaud dans une maison sûre; je n'ai pas mal, je n'ai pas faim"; et même quand une personne aimée n'est pas allongée près de moi, je sais qu'il me suffirait de décrocher mon téléphone pour parler à quelqu'un pour qui je compte.

Je suis heureuse pour le soleil hivernal qui caresse mon visage et marbre d'orangé l'intérieur de mes paupières pendant que Chouchou conduit sur les routes de campagne autour de chez mes parents. Je suis heureuse du mouvement rythmique de mon crochet qui enchaîne les mailles serrées, et de la sensation du fil laine peignée/acrylique/polyamide qui glisse entre mes doigts. Je suis heureuse pour la douce chaleur d'un Kukicha Kabuze qui descend lentement vers mon estomac. Je suis heureuse pour les succulentes pâtes aux chicons préparées par Chouchou. Je suis heureuse pour le rire de mon père aux répliques impertinentes du Mentaliste. Je suis heureuse parce qu'un projet sur lequel mon beau-frère travaille d'arrache-pied depuis huit mois va enfin se concrétiser, et parce que j'ai l'opportunité de lui donner un coup de main dans la dernière ligne droite. Je suis heureuse de préparer un voyage en Islande pour le printemps prochain. Et cela fait sans doute de moi une personne de peu de profondeur, pour me satisfaire de bonheurs aussi minuscules dans un monde qui souffre autant. Qu'importe: je ne fais de mal à personne, et je suis heureuse.

Illustration: Plonk & Replonk

14 commentaires:

  1. Décidément nous sommes pleines de points communs. J'ai eu une passionnante discussion dernièrement avec quelqu'un qui cherche le pourquoi et qui peine à comprendre ma sérénité depuis que j'ai abandonné cette quête. Tu me donnes ici quelques formulations qui me seront utiles pour la reprendre, cette passionnante discussion, merci.

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  2. Suite à l'émission de radio dont je t'ai envoyé le lien, j'ai décidé de noter dans un carnet 3 petits (ou grand) bonheur par jour. Je fais ça le soir avant d'aller me coucher, ça me permet de revenir sur ma journée, mais cette fois, ce n'est pas pour ruminer et tenter de trouver une solution à un problème avant de m'endormir.
    Je m'endors beaucoup mieux depuis, parce qu'avant ma lecture du soir ce n'est plus mes soucils qui travaillent, mais mon sourire.... je muscle mon bonheur...

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  3. Merci! Dans un moment où moi aussi, je me cherche un peu, ce type de posts fait un bien fou. L'idée de prendre en main les choses, soi, pour qu'elles soient plus douces, plus belles, plus en accord avec nos envies.
    C'est pour ça aussi que je me fixe de nouveaux défis pour 2012...certes, mon boulot m'enthousiasme moins qu'au départ, mais l'étincelle, j'espère la trouver ailleurs, du coup! Après, il sera toujours temps de rectifier le tir!

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  4. Je dis souvent " Il y a pas de petit plaisir, il n'y a que de grands bonheurs !"
    Plus j'avance dans le temps plus je trouve que c'est vrai.
    J'aime ta façon de voir la vie !

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  5. Cet article est très intéressant!
    J'essaie aussi de me débarrasser d'un sentiment de vide et de solitude, et je pense que ton billet m'aidera dans ma reflexion!

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  6. Oui, oui, oui et cent fois oui!!

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  7. Tout cela me laisse un peu perplexe.
    Des questions sur ma vie, je m'en pose sans forcément lui chercher de sens (Il y a suffisamment longtemps que je me suis délestée à contre-coeur d'envies de vie incompatibles avec ma réalité pour x raisons). J'ai plutôt tendance à être sur des réflexions très terre-à-terre et sur du court terme :)
    J'aime beaucoup la façon que tu as d'égrener les petits bonheurs, il n'est pas impossible que tu aies déjà évoqué cela auparavant et voilà des années que je tâche d'en trouver chaque jour ; c'est tellement plus agréable de raisonner ainsi.
    Pourtant... je me sens vide. D'autres formes de vide, peut-être... Décidément, ce que tu nous livres ces derniers temps me fait réfléchir :)

    Mélusine

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  8. Merci pour ce post avec lequel je suis bien d'accord! ma vie n'est pas forcement drôle tout les jours, mais l'essentiel y est...le fait de le voir exprimé et écrit de cette façon ma plait beaucoup!

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  9. Moi aussi j'aime beaucoup ta façon de voir la vie, je l'envie même car je suis loin d'avoir atteints cette sérénité intérieure...mais je fais mon possible pour la trouver!

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  10. Je partage entièrement ton avis sur la question... Après plusieurs années à tenter de tomber enceinte, après moults tentatives et piqûres, je sais que je ne serai pas maman... Et j'ai décidé que ce n'étais pas grave, que ma vie serait différente et c'est tout... Et depuis je savoure chaque plaisir, petit ou grand. Et ma vie me plaît bien ^_^
    Merci pour avoir si bien écrit ce billet et avoir si bien trouvé les mots.

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  11. Merci pour ce billet qui est une réponse au moins. Il m'aidera certainement à avancer, à voir les choses autrement.

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  12. La princesse29/12/11 19:08

    je suis convaincue que le bonheur, il faut le grapiller là, maintenant, tout de suite et ne pas attendre que plus beau, plus grand, arrive pour en profiter...( d'ailleurs le Jurançon de ce soir est très bon et j'ai ramené du delicieux chocolat pour mon dessert)

    Mais il n'empeche que parfois, je me demande aussi ce que je devrais faire et que ça fait quelques mois que je me cherche un peu. J'ai dejà plus que d'autres, en suis bien consciente et je me demande parfois si la quête du "encore mieux" a un sens ;)

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  13. ta façon d'envisager la vie est interessante, enviable meme! Je suis bien loin d'avoir attein ce point de serenité!

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  14. Myriam, qui n'est plus une elfe fée30/12/11 07:02

    "Et cela fait sans doute de moi une personne de peu de profondeur, pour me satisfaire de bonheurs aussi minuscules dans un monde qui souffre autant."

    Je ne suis absolument pas d'accord.Un collègue est parti récemment 1 mois en Afrique, dans un village où les gens n'ont rien : pas d'eau courante, pas d’électricité. Ces gens là n'étaient même pas malheureux, il n'a vu personne se plaindre ou pleurer. Ils sont contents d'être là, d'être en famille c'est tout ! J'ai revu cela récemment dans un repartage sur une tribu de Mongolie. Les éleveurs de rênes, qui vivent entre -20° et -50° "sinon les rênes ont trop chaud", des nomades qui ont 3 fois rien mais qui sont heureux quand ils dorment à la belle étoile.

    Je pense que dans notre société capitaliste on cherche tellement le bonheur qu'on ne le trouverait même pas s'il était sous nos yeux. J'ai récemment fait cette expérience : je me plaignais tout le temps de mon chéri auprès de mes amis qui du coup ne comprenaient pas ce que je faisais avec lui depuis 3 ans. Le truc c'est que je l'aime à la folie et il y a bien une raison à cela! J'ai donc commencé à le voir d'une autre façon, à lister ses cotés positifs plutôt que ses négatifs. Ça marche super bien ! Ok, c'est pas le pro du ménage, mais il n'oublie jamais rien quand il fait les courses et pense même aux trucs que j'ai oublié de lui demander ! Etc...
    L'idée c'est de faire pareil avec le reste: comme toi quand tu dis "Je suis couchée dans un lit douillet, bien au chaud dans une maison sûre; je n'ai pas mal, je n'ai pas faim". Il y a des jours je déteste mon boulot , en particulier à cause de mon mal de dos chronique et de mon manager/frère du pdg de 22 ans. Mais quand même , c'est prés de chez moi (je peux y aller à pieds), les horaires sont chouettes et il y a une bonne ambiance (je m'entends super bien avec la vendeuse et le magasinier et la plupart des clients sont super!)

    En ce qui me concerne, il y a encore du travail à faire, je pense toujours que l'herbe est plus verte ailleurs alors que la vie m'a déjà montré à plusieurs reprises que j'avais tord mais dans l'ensemble on serait tous plus heureux si arrêtait de cherche le bonheur.

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